
« Il est né, il a travaillé, il est mort. » Voilà comment Martin Heidegger, avant d’entamer un cours sur Aristote, a résumé sa biographie.
Il aurait pu quand même, le philosophe de la Forêt-Noire, il est vrai, pour affriander son auditoire, enjoliver, ajouter un peu plus de vécu ; parce qu’avant de naître, même Aristote, a eu un papa et une maman… a été à l’école, avec ses petits camarades… et malgré des boutons plein la tronche, a eu sa première copine, un premier chagrin (étouffé au fond de la glotte)… puis a fait des études (parce qu’il faut bien)… l’armée aussi… et toutes les bières qui vont avec… les bravades, les bonnes histoires, mais au bout du compte un métier (à embrasser ou à se pendre), pour se mettre en bon ordre, se placer, s’engager même dans l’amour, pour du plaisir à la régulière, sans peine, avant les compromis, la sourde oreille, avec un ou deux gamins à la clé (que ça recommence)… J’allais oublier deux trois loisirs aussi (pêche à la ligne, timbres ou bagnoles à tourner en boucle) pour compenser, et quelques opinons bien forgées, gonflées à l’ego, pour qu’en famille, voisins, entre collègues, on montre bien qui on est qui on est pas… Puis, bombeurs de torse ou plieurs d’échine, idem, se dire, maintenant du côté descendant, que ça valait quand même le coup, peinard d’être devant un écran plat et rond rond barbecue, et branlette à minuit… mais le corps qui soudain (putain) se met entre… se fait la malle, et la débandade des organes, la mort dans la viande qui veut tout emporter… Y a pas (on se fait rattraper)… et le souffle court mais un dernier cabriolet, une croix (comme un sort…), parce que… avant que tout fiche le camp, alors que tout fout le camp… et puis finalement (à quoi bon tout ça) au fond du lit (quelques regrets, mais le bon vieux temps, les petits-enfants, le voyage était pas si mal) et puis masque… au suivant…
Tout ça, bien sûr, conjugué à une géographie (plus ou moins)… et à l’Histoire (la grande et pas que l’addition des petites)… aux actualités… faits divers… progrès… psychologies et nouvelles nouvelles technologies…
Et tout ça cousu de fil blanc pour que ça tienne d’un bloc.
J’avoue, je concède : une telle biographie ne semble pas, vraiment pas aller à Aristote. L’époque déjà, il y a des siècles, et évidemment sa vie, puis il n’était pas monsieur tout le monde, puisqu’il a fait œuvre, lui, justement, contrairement à la majorité, immense… une œuvre qui a perduré jusqu’à nous (un exploit, je veux !), et qui a fait tirer les cheveux à quantité de cerveaux, des générations durant (même s’il a raconté aussi plein de conneries).
J’avoue aussi, pourquoi ce style. Loin de « ÊTRE ET TEMPS ». Peut-être à cause de la proximité de « Siegmaringen »… copie copie… sans personnalité que je suis, mais la tradition n’a que faire, dit bien merde à l’ego, qui se pavane (moderne) depuis si peu, le temps d’un vent comparé aux millions d’années avant que la moindre larve… donc au moins moi, j’honore, en ces temps de disette… Alors un clin d’œil à Céline, je vois pas le mal, et n’allez pas faire des raccourcis, bien dans l’air (je vous vois venir les cocos : Heidegger, Céline et la tombe de Jünger, quasi cent trois ans, pas très loin), que foutre de vos opinions…
Des opinions, justement, Aristote (philosophe) était à l’opposé, ça colle pas dans sa biographie, qu’il ait des opinions… mais il devait bien en avoir, deux trois quand même… œuvre pas œuvre, postérité ou pas, la vie des hommes, dans le fond, c’est du pareil au même, celle d’Aristote, de Plotin ou du garagiste du coin (et c’est pas les siècles, les dix milliards de progrès, d’intelligences, bouquins ou cardans à changer).
Mais je reviens, quant à la biographie, quand il y a œuvre, et que le récit de la vie de celui qu’il la produite pose un hic, pour pas dire pire, alors… il faut (pour pas se mouiller) bien différencier, d’un trait tracé, pour que d’un côté, l’autre, pas du tout la même chose, et surtout, absolument dire salaud avant de se pâmer (si on se rend à l’évidence), car bien-pensance partout, esprit nul part, c’est l’époque… l’époque qui veut que l’artiste, le penseur, soit un parangon de vertu… il ne resterait plus grand monde, je vous assure, à ce régime (Sade de père en fils and co), et les survivants, à finir à l’écriture inclusive, le genre… c’est entendu, les médiocres ne font rien ne risquent rien, à part nier encore nier… et à militer pour le bout du bout…
Mais je reviens à mon Panurge, à cette biographie (d’Aristote) qu’il a passée à la trappe, quasi, Heidegger de Messkirch, où il est né avant de mourir et travailler entre… Une biographie (qui n’est pas la vie, faut pas confondre), quand il y a œuvre, n’en fait est-elle pas partie, aussi ?… surtout des siècles après, quand le légende en a fait son affaire, qu’Empédocle a sauté dans l’Etna, Shakespeare pas Shakespeare, et Louise Labbé un fantasme, alors… alors tout ça donc une seule et même chose, rien à différencier, finalement, car fusion au plus haut point, de la biographie et de l’œuvre, du multiple et de l’Un, d’Héraclite et Parménide, tout immobile et des devenirs à tout va, idem, main dans la main, une seule et même chose comme le savent les Bouddhas, Chinois depuis x temps, hors du temps même.
Heidegger justement, vieux jaune qu’il était aussi, les a réconciliés, Héraclite Parménide, sortis de la caricature, depuis l’Antiquité… pour que la Parole enfin, qu’enfin cessent les bavardages, les petites histoires (papa, maman, chagrin, bravades, cardans et tralala), et c’est pour ça, nulle doute, qu’il s’est contenté de dire, de rien dire (justement) sur la vie d’Aristote, puisque pour tous, c’est idem chose : « né, travaillé, mort »… du parfait Bacon, quoi ? le philosophe pas le peintre (même s’il aurait pu le dire, lui aussi) : « on naît, on meurt… »
Mais j’entends (dans mes sifflements d’oreilles) Thomas Bernhard qui vocifère, comment il l’a étrillé le Heidegger, avec ses mots, son mépris, sa haine, quant à sa petite vie (avant sa biographie), les chaussettes que lui tricotait sa femme, sa bêtise de faux paysan, cul-terreux de la philosophie de rien, recyclée, vide sous-vide… mais j’ai rien à redire, Bernhard, sa haine, j’admire, car la vrai haine est une qualité rare, qu’il avait… respect… qui peut se permettre, aujourd’hui… se saborder, se livrer aux réseaux, Tintin qui encule Milou, Haddock Tournesol, c’est certifié : plus un album dans les rayons…
Et je vous entends aussi, me pointer du doigt. Le tourisme que je suis, Fribourg, Todtnauberg, Messkirch, Sigmaringen, Wilflingen… zéro à l’œuvre, le vide sur le vide du vide, et les photos, moi et ma moi à moi, à se la péter à la grande ère du selfie, je vous rejoins mes amis… sombrons dans la connerie, jusqu’au bout… pour en finir, à la Céline, à la fin de Rigodon, avant qu’il fasse masque, péril jaune et bulles de champagne…
Mais j’ai pas à me justifier, je dis juste, car je sais le quoi du quoi depuis x… car je me souviens, adolescent, déjà (presque plus de boutons), je me revois : appuyer sur celui de la télé, et là, tomber en amour, d’une tête, d’un visage que je savais pas qui c’était, Dieu, ça ne peut pas être un con (d’un partie quelconque, d’une compagnie dollar) avec une tête pareille, et c’était, je l’ai vite appris, celle de van Velde, le peintre (Bram) et je l’ai aimée, évidemment, sa peinture, après l’avoir découverte, autant que sa tête, et par-dessus le marche, copain avec Beckett… Sa tête qu’il s’était peinte avec ses peintures, à force, comme Giacometti a sculpté la sienne, jusqu’au bout de sa vie, qui a commencé dans les Grisons (les montagnes), d’où l’aspect minéral… voilà (vous avez remarqué) je reviens à la biographie, à l’œuvre, idem… D’un château l’autre, je perds pas le Nord, je vous assomme mais sais rebondir, malin, vous pouvez pas nier, pour retomber, indemne, mais quand même, finir, car je fatigue (déjà trois bières)…
Voilà, je finis donc, et (pour bien) donc finir, pas vous confondre : mettre les points sur les « i », tout ça, pour dire enfin, que tous ces gars-là (les Martin-tin, Ferdine, Bram, Sam et autres) moi je les aime (et ne tire pas de traits), plus que mes copains même, car des vrais fidèles, et depuis des lustres, alors si un petit gars, une petite gonzesse, tombe là-dessus, mes mots mes photos, c’est déjà ça, même si ce sont (j’avoue) des petites marches avant le grand saut, le grand frétillement dans l’Etna de la Pensée, l’Art et Patatra, voilà, enfin c’est tout, rideau… et allez maintenant vous faire foutre…
DIAPORAMA SUR HEIDEGGER À MESSKIRCH