La Devinière

En 2020, j’ai proposé à ma fille Leïla de marcher sur les pas des plus illustres écrivains de la Renaissance. Notre voyage a naturellement commencé par Rabelais, qui nous chérissons tous les deux et qui est notre père – des lettres françaises – à tous. Aussi, nous sommes partis pour Chinon, où il a vécu, avons été à la métairie de la Devinière (située à Seuilly), où il est né et qui est maintenant un musée. À cette occasion, je n’ai pu m’empêcher d’écrire un poème sous ses bons auspices…

RABELAISIE EN TERRITOIRE CHINONAIS

Adonc mes chers amys (comme ils me viennent) : Pastagruel dit de Pâtes Dubeloyses / et Lucie Cancrelas de Samosate / Cave à Vin de Luthérie et Robnoir Oyé Oyé / Érafol de l’Éloge / Carême de Pierre (la tête à Anvers) / Éramdonc dans ta Barque / Rigodor de Machevielle / Carnaval et cil son comparse / Pine du chef de Bordo / Ronsoné des Troncards / loin d’Aupigne le Grippon d’Austoforme / Grandgouille des Gargasses / Utopique Encore (et encore) et Frère Thélémastique / Boisansir loin de toute ire / et Coquerais Marotée du Lac / Rondo à la Selle / La Belle Fourée (de foutre enfournée) et ses Copines Canniboules / Louise Brunette Gordini et la bonne Fleur d’Outre de mer / Pincette double Quéquette / et mon amy Patatresque et sa Béate à lui / sans oublier Torquato Tato et l’Ariosto l’Aristo / et tant de Dante Beaux Cas et Belles Figures / que je reçois tous ici en ma Devinière / où sont mes clos à bêtes / sans femmes et petitz enfans s’entend / où sont donc mes douze montagnes de laine de mes douze mille troupeaux bêlants porteurs de laine (sur lesquelles je peux monter pour voir le Mont Janicul puis glisser voluptueusement sur le cul) / mes troys cens et deux mille vaches / petites et grosses / qui me font six mille et vingt quatre millions d’hectolitres de lait (toutes les vingt six heures) / mes canetons en nombre / entre dix et vingt deux mille six cens quarante deux (à engraisser non par le fion mais le bec) / qui barbotent non loin de mes soixante douze poulettes d’eau de terre de mer et de ciel / dont dépendent mes humeurs / qui me donnent des œufs à gober par paquets de millions et à chier en autant d’étrons / sans causer de mon girafon à double tête [qui aime se les enrouler (les cous) pour se rouler des râteaux] et autres prodiges venus des douze continents / comme les douze mois et les sept jours de l’année / et tout ça à manger : orge maïs blé luzerne tartare de pois et bouillie de coings / et tous mes fonds de gamelles : mes restes de rôti fourré au piment d’Espelette d’esturgeons / mes tapas de carottes et mes œufs mollets (entre le pied et la cuisse) / mon pesto (délicieux) d’amande d’amandier à flanc de volcan / mes curés au coq au vin (de la mère Poilard) et fantassins faisandés / sans oublier mes lentilles des calendes grecques / le tout arrosé de Cabernet d’Anjou par tonneaux amphores et amphores et tonneaux et vin de Montaigne… mais je m’arrête là car si vous avez désiré me voir en mon Seuillé / ce n’est point pour que je parle à tort et à travers de ça et de celà (dont je viens de parler) / et encore moins pour jouer au maillet (au fond du jardin) ou à la brelade / au quiquenois / au giroflare ou à la dame / mais pour m’interroger sur le quoi qui comment de ma filosofi (qui ne vous laisse pas en paix pour vesser à votre guise) / Car oui / que veut-elle nous dire (vous dites-vous la main dans le menton) ? / mais que pourrai-je dire de plus (que ce que je viens de vous dire) ? / car si je vous disois : Oni térébroc triqua la catula / é offiçio la patoula qui fradipoi (corssa corça) la goguinette et cor et delette / é qué dé troppa car karita rovipa / y simatriqué (nostobé) / (airé) de la força forquené quété la postatura de craco la convi / qui la piouti en vram la quellette / i pourrati la quefra de la tripa et cor de la tripa é quédestra… / vous n’en sauriez pas davantage d’elle (ma filosofi) mes multiples amys et singuliers Pastagruel dit de Pâtes Dubeloyses / et Lucie Cancrelas de Samosate / Cave à Vin de Luthérie et Robnoir Oyé Oyé…

DIAPORAMA (CHINON, LA DEVINIÈRE, TOURS ET FOUACES RABELAISIENNES)