Beatus Rhenanus

« Revenant dernièrement d’Italie en Angleterre, pour ne pas perdre en rêveries inutiles le temps qu’il me fallait passer à cheval, je prenais souvent plaisir tantôt à repasser en moi-même nos études communes, tantôt à m’entretenir dans l’agréable souvenir des chers et savants amis que j’allais revoir. Vous fûtes un de ceux qui se présentèrent le plus souvent à ma mémoire, mon cher Morus. Je me retraçais, en votre absence, ces moments heureux que j’ai passés auprès de vous, moments qui ont été, je vous assure, les plus doux de ma vie. »

Érasme de Rotterdam à son ami Thomas Morus – Préface d’Éloge de la folie

Dans notre marche sur les pas des plus illustres écrivains de la Renaissance, nous avons visité – avec ma fille Leïla – la Bibliothèque humaniste de Sélestat.

L’humanisme étant un mouvement non seulement propre à la Renaissance mais qui en constitue le cœur ; plaçant l’homme au centre de ses préoccupations, et prônant un retour à la culture antique, via l’étude de textes grecs, latins et même hébreux.

Surnommé le « Prince des humanistes », Érasme de Rotterdam en est la plus illustre figure ; pédagogue, philosophe, théologien, traducteur – notamment du Nouveau Testament –, il a également écrit de nombreux ouvrages, dont le plus connu est Éloge de la folie. Au cours de sa vie, il n’a cessé de parcourir l’Europe – d’où le programme Erasmus qui lui rend hommage –, correspondre avec les hommes les plus influents de son époque et susciter une large admiration – il comptait parmi ses admirateurs un certain François Rabelais.

Si l’on retient sa relation amicale avec l’Anglais Thomas More – l’auteur de L’Utopie –, avec qui il partageait « une seule âme » ; Érasme noua aussi une profonde amitié avec le philologue et éditeur Beatus Rhenanus, autre figure emblématique qui nourrissait une passion immodérée pour tous les savoirs et les livres ; et dont la collection est à l’origine de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, sa ville natale.

Rhenanus s’est non seulement évertué à corriger, commenter et publier quantité de textes de l’antiquité, mais aussi ceux de son ami Érasme. L’érudit Rotterdamois le suppliant même, en tant qu’alter ego, de prendre le plus grand soin à la publication de ses œuvres : « Je te conjure, au nom de notre amitié, d’accomplir comme un autre moi-même la tâche que je ferais personnellement si j’en avais la possibilité. »

Cette amitié entre Érasme et Rhenanus n’est pas sans en évoquer une autre  de la même période renaissante ; celle, fameuse, entre Michel de Montaigne et Étienne de La Boétie – passé à la postérité grâce justement à cette amitié et son Discours de la servitude volontaire.

Montaigne, qui dans ses Essais cite Horace : « Tant que je serai sain d’esprit, il n’est rien que je compare à un tendre ami. » Et s’apitoie de la perte de La Boétie, son double, mort à trente-deux ans ; comparant sa vie sans lui à une « fumée », « une nuit obscure et pénible ».

DIAPORAMA (BIBLIOTHÈQUE HUMANISTE, RHENANUS, ÉRASME, MONTAIGNE ET DE LA BOÉTIE)