De la mort d'Empédocle - Vincent Jégu

« De là feront un jour éruption des fleuves de feu qui de leurs dents sauvages dévoreront les plaines où la Sicile mûrit ses plantureuses récoltes : si violente sera l’explosion de rage de Typhon, crachant les souffles embrasés d’un insatiable déferlement de feu, tout calciné qu’il est par la foudre de Zeus… »

Eschyle – Prométhée enchaîné

Empédocle / toi qui (dans le cercle éternel) a fait l’expérience de « notre mère la Terre » / de nos « frère Vent » et « sœur Eau » / et a partagé notre sort de mortels corrompus / tu te devais de boucler avec panache (t’étant fait l’égal d’un dieu) la boucle du carré…

C’est pourquoi tu as quitté ton fidèle Pausanias / et gravi l’Etna jusqu’à son cratère enfumé / qui n’a de cesse (depuis des siècles) de cracher ses flammes / afin qu’elles rejoignent leurs cousines célestes (faites donc du même bois qu’elles)…

Pour qu’enfin ce feu de Sicile soit ton Varanasi / qui te délivre pour de bon de tout ce que tu as été (y compris le thaumaturge) / ta mission étant accomplie…

Et c’est ainsi (sans hésiter) que tu as répondu à l’appel / à la manière d’un Icare à l’envers / que tu as fait le grand saut dans les entrailles chaudes de la Terre / pour te fondre dans le feu purificateur couvant sous sa croûte / dans la sombre nuit de l’Unité (où tous les chats sont gris)…

Puis (surprise) le vieux cratère / tel un clin d’œil à ton suicide sacrificiel / a rejeté de son souffle brûlant / l’une de tes sandales d’airain / preuve de ton saut mortel…

Voilà comment cette fin suprême t’a fait irradier jusqu’à nous / qui sommes encore et toujours (grâce à toi) / en quête du Sphaïros sous-jacent à toutes choses…